Au 24 octobre 2025, le gouvernement américain est plongé dans sa quatrième semaine de shutdown, sans aucune issue immédiate en vue. Le Sénat a rejeté pour la douzième fois consécutive une proposition de budget, prolongeant ainsi la paralysie partielle des services fédéraux. Cette impasse reflète des divergences profondes entre républicains et démocrates : le président Trump souhaite maintenir le shutdown tant que les subventions de l’ObamaCare ne seront pas exclues, tandis que les démocrates refusent toute concession sur ce point afin de protéger les familles à faible revenu.
Pour les républicains, l’Obamacare représente une dépense excessive pour l’État fédéral. Les subventions destinées aux familles à faible revenu mobilisent chaque année des dizaines de milliards de dollars, ce qui alourdit le déficit et limite la marge de manœuvre budgétaire. Ces dépenses sont jugées insoutenables à long terme, d’autant que le coût global de ce mécanisme continue de croître avec le temps. De plus, certains critiques estiment que ces aides faussent le marché de l’assurance santé en favorisant la dépendance à l’État plutôt qu’à l’assurance privée.
Qu’est-ce qu’un shutdown du gouvernement américain ?
Un shutdown survient lorsque le gouvernement fédéral des États-Unis ne dispose plus des crédits budgétaires nécessaires pour financer certaines de ses activités dites « discrétionnaires ». Concrètement, dès que le budget annuel, ou la résolution provisoire censée en assurer la continuité, n’est pas adopté dans les délais, de nombreuses agences fédérales se voient contraintes de suspendre leurs fonctions, qualifiées de non essentielles. Les services jugés indispensables, tels que le contrôle des frontières ou la régulation du trafic aérien, continuent à opérer, mais leurs agents travaillent souvent sans être immédiatement rémunérés.
Les prestations automatiques, comme les pensions de retraite ou le paiement des intérêts sur la dette publique, ne sont en revanche pas touchées dans l’immédiat : elles reposent sur des lois permanentes et non sur les crédits annuels votés par le Congrès. À l’inverse, les contrats gouvernementaux, le traitement administratif des dossiers, les demandes de licences ou de prêts, ainsi que la publication de données économiques clés peuvent être retardés, voire totalement interrompus.
Dans la situation actuelle d’octobre 2025, le blocage résulte d’un désaccord persistant entre la Chambre des représentants, le Sénat et l’exécutif concernant le budget fédéral. Faute d’accord, l’administration a donc décrété un shutdown à compter du 1er octobre 2025.
Depuis 1980, les États-Unis ont connu 11 shutdowns fédéraux. Ce phénomène devient de plus en plus fréquent en raison de la politisation accrue du processus budgétaire et de l'utilisation de ce dernier comme levier politique.
Pourquoi le shutdown américain de 2025 est-il plus problématique que les précédents ?
Le shutdown en cours est désormais l’un des plus prolongés de l’histoire américaine. Or, plus un blocage budgétaire dure, plus son impact économique s’accroît. Les économistes estiment qu’une semaine supplémentaire de paralysie peut retrancher entre 0.1% et 0.2% de croissance au PIB trimestriel. Au-delà de la contraction directe de l’activité publique, c’est surtout le manque de visibilité qui pèse sur la confiance des entreprises et des investisseurs, déjà sur le qui-vive face à un environnement incertain.
De plus, ce shutdown intervient alors que l’économie mondiale évolue sur un fil : l’inflation reste élevée, les taux d’intérêt demeurent restrictifs et les tensions géopolitiques s’intensifient. Dans un tel environnement, la résilience de l’économie américaine est moins solide qu’en période de croissance soutenue. Autrement dit, le « tampon » conjoncturel pour absorber un choc budgétaire est beaucoup plus mince, amplifiant le risque de ralentissement.
Si les précédents shutdowns n’ont pas toujours provoqué de crise financière majeure, le blocage institutionnel agit ici comme un facteur de stress supplémentaire pour les marchés, alimentant la recherche de sécurité. Les investisseurs se tournent massivement vers les valeurs refuges, à commencer par l’or, dont le cours a atteint un nouveau record historique dès le déclenchement du shutdown. Sa performance, proche de +50 % sur un an, illustre à quel point la nervosité et l’incertitude dominent actuellement les marchés financiers.
À noter que la fermeture partielle du gouvernement empêche la publication de statistiques macroéconomiques essentielles (emploi, inflation, production, etc.) produites par des agences fédérales actuellement à l’arrêt. Cette opacité complique la tâche de la Réserve fédérale, des marchés et des entreprises, qui se retrouvent sans repères fiables pour anticiper les décisions importantes, telles que celles liées à la politique monétaire.
Le shutdown de 2025 a des répercussions concrètes sur la vie quotidienne et l’économie américaine. Environ 900 000 employés fédéraux ont été mis en congé sans solde, tandis que plusieurs millions continuent de travailler sans rémunération immédiate. Certaines agences clés, comme les NIH (National Institutes of Health), les CDC (Centers for Disease Control and Prevention) ou le programme WIC (Special Supplemental Nutrition Program for Women, Infants, and Children), ont dû suspendre une partie de leurs activités, affectant la recherche médicale, la santé publique et l’aide alimentaire pour les familles à faible revenu. Dans les transports, bien que la TSA (Transportation Security Administration) assure toujours les contrôles, des retards importants ont été signalés dans des aéroports comme Dallas, Chicago ou Nashville en raison du manque de personnel. Les parcs nationaux et certains musées de Washington, D.C., ont également été partiellement fermés, impactant le tourisme. Sur le plan économique, le coût du shutdown est estimé à plusieurs milliards de dollars par semaine, et la paralysie des services administratifs ralentit le traitement des dossiers, des licences et des prestations sociales, affectant directement les citoyens et les entreprises dépendant de ces services.
Quelles répercussions du shutdown sur les marchés financiers ?
Historiquement, les shutdowns n’ont pas provoqué de chocs durables sur les marchés financiers et leur impact direct sur la croissance reste généralement limité, même si la volatilité tend à augmenter, en particulier sur les marchés obligataires. Ces interruptions budgétaires entraînent souvent des mouvements de court terme liés à la nervosité des investisseurs, sans remettre en cause les fondamentaux économiques à moyen terme.
Lors de la majorité des épisodes précédents, les indices boursiers américains ont retrouvé, voire dépassé, leur niveau initial trois à six mois après la fin du blocage. Cependant, un shutdown prolongé ou perçu comme le signe d’une paralysie politique durable peut inciter les investisseurs à anticiper les risques, avec des ventes préventives ou des arbitrages défensifs sur certains secteurs.
Sur le marché obligataire, la dynamique est plus nuancée. Les US Treasuries conservent généralement leur statut d’actif « refuge » : les paiements d’intérêts et le service de la dette restent assurés, même en période de paralysie partielle du gouvernement. Cette perception de sécurité peut temporairement faire baisser les rendements des obligations souveraines, tout en renforçant le dollar américain, soutenu par les flux vers les actifs jugés les plus sûrs. Par exemple, le rendement du US Treasury bond à 10 ans a reculé d’environ 5% sur un mois.
Pour l’instant, les marchés actions restent relativement stables : le S&P 500, le NASDAQ et le Dow Jones affichent tous une progression sur le dernier mois, illustrant que malgré la nervosité liée au shutdown, les investisseurs continuent de parier sur la solidité des fondamentaux économiques américains.
